Issaias Afeworki, ancien héros vénéré pour son rôle dans la guérilla de libération de l’Erythrée, est aujourd’hui connu comme le dictateur implacable qui a transformé son pays en une « Corée du Nord » africaine.
Après des décennies d’accusations de déstabilisation de la région de la Corne de l’Afrique, notamment par le soutien à des groupes armés tels que les islamistes somaliens shebab, Issaias Afeworki est revenu sur la scène internationale en 2018 en signant un accord de paix avec le nouveau Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.
Cet accord a suscité un court moment d’espoir quant à un assouplissement du régime, mais Issaias Afeworki n’a pas relâché sa poigne sur le pays et a continué à ignorer les critiques internationales.
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Répondant aux accusations d’exactions de l’armée érythréenne au Tigré, en Ethiopie, où elle soutenait le gouvernement d’Abiy Ahmed dans son conflit avec le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), Issaias Afeworki a qualifié ces allégations de « chimères ». Cette position témoigne de son mépris face aux critiques internationales.
Un parcours complexe
Issaias Afeworki est né en 1946 dans une famille chrétienne orthodoxe à Asmara, capitale de l’ex-colonie italienne devenue sous administration britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a interrompu ses études d’ingénieur à Addis-Abeba à l’âge de 20 ans pour rejoindre la rébellion indépendantiste érythréenne, alors annexée par l’Ethiopie.
Grâce à son talent d’orateur et sa maîtrise de l’arabe, Issaias Afeworki a gravi les échelons jusqu’à devenir le chef du Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE), qui a résisté pendant trois décennies à l’armée éthiopienne soutenue successivement par les États-Unis puis par l’URSS.
Le 24 mai 1991, le FPLE prend le contrôle d’Asmara et deux ans plus tard, l’Érythrée proclame officiellement son indépendance après un référendum. Issaias Afeworki devient alors le premier chef d’État du pays, un titre qu’il conserve jusqu’à ce jour.
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Malgré les espoirs de démocratie et de réformes économiques placés en lui par la communauté internationale à la fin des années 1990, Issaias Afeworki assoit son emprise sur l’État et transforme le FPLE en parti unique, le Front populaire pour la démocratie et la justice (PFDJ).
La Constitution adoptée en 1997 ne sera jamais mise en œuvre, et les aspirations démocratiques des Érythréens sont rapidement étouffées par un régime sans élections et par le retour d’un conflit meurtrier avec l’Éthiopie, qui fera des dizaines de milliers de morts entre 1998 et 2000.
Un pouvoir solitaire et répressif
Le maintien de l’Érythrée dans un état de guerre permanent justifie les mesures répressives, notamment la conscription obligatoire illimitée pour les femmes et les hommes, qui est toujours en vigueur.
La répression du régime ne se limite pas aux opposants politiques. En 2001, lorsqu’un groupe de hauts dirigeants du PFDJ, anciens compagnons de lutte d’Issaias Afeworki, demande des réformes démocratiques et la mise en œuvre de la Constitution, leur réponse est brutale. Onze d’entre eux sont arrêtés, leur sort demeurant inconnu, tandis que ceux qui échappent à l’arrestation sont contraints à l’exil.
L’isolement du pays et la fuite des jeunes
Bien qu’il ait longtemps cultivé une image d’homme du peuple, Issaias Afeworki isole son pays et réprime toute critique. Les affronts sont rares, mais la jeunesse érythréenne fuit massivement vers l’étranger pour échapper à un régime répressif et à une conscription qualifiée de travail forcé par l’ONU. Cette situation a valu à l’Érythrée d’être surnommée une « prison à ciel ouvert » par de nombreux observateurs.
Gérard Chaliand, spécialiste des conflits armés, affirme qu’Issaias Afeworki a créé l’un des régimes dictatoriaux les plus rigides de son époque.