Alors que les funérailles du président Idriss Déby Itno ont lieu aujourd’hui à N’Djamena, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), et la Ligue des droits de l’Homme (LDH), appellent au retour à l’ordre constitutionnel et à l’instauration d’un pouvoir civil et démocratique dans les plus brefs délais. Nos organisations exhortent les partenaires privilégiés du Tchad, et particulièrement l’Union africaine, la CEMAC, l’Union européenne et la France, à jouer pleinement leur rôle pour faire de ce changement de pouvoir un tournant en faveur du rétablissement et de la protection effective des droits et des libertés des populations tchadiennes.
Le 20 avril 2021, un Conseil militaire de transition (CMT) constitué en urgence a pris le pouvoir, après le décès soudain du président Idriss Déby Itno. La veille, la Commission électorale nationale indépendante avait annoncé la réélection d’Idriss Déby Itno pour un sixième mandat à la présidence de la République du Tchad, avec près de 80 % des voix. Peu après sa création, le CMT, présidé par Mahamat Idriss Déby Itno, fils d’Idriss Déby Itno, a déclaré suspendre la Constitution, dissoudre le gouvernement et l’assemblée nationale, et procéder à la fermeture temporaire des frontières ainsi qu’à l’installation d’un couvre-feu pour tout le pays.
Le 21 avril 2021, une charte de transition a été adoptée par le CMT, de façon unilatérale et sans consultation des acteurs et actrices politiques et de la société civile. Cette charte entérine la création de trois organes de transition pour les 18 prochains mois, abroge la loi fondamentale en vigueur, indique l’adoption d’une nouvelle Constitution par voie de référendum et promet l’organisation d’élections libres et transparentes à l’issue d’une période de transition de 18 mois renouvelable une fois. Plus particulièrement, cette charte attribue des pouvoirs considérables à Mahamat Idriss Déby Itno, qui se voit confier les fonctions de « président de la République, chef de l’État et chef suprême des armées ».
Face à ces bouleversements, nos organisations expriment leurs vives inquiétudes face à ce qui semble davantage s’apparenter à l’organisation d’une succession pour la poursuite de l’accaparement du pouvoir.
« Depuis trois jours, c’est bien un coup d’État qui démantèle le système institutionnel et législatif tchadien. La mise en place d’un comité de transition exclusivement composé de militaires et les premières décisions imposées sans dialogue politique inclusif ne sont pas des signaux rassurants. Tout au long des trente années du régime d’Idriss Déby Itno, des milliers de tchadiens n’ont cessé de se mobiliser pour réclamer la démocratie, la justice, ainsi que le respect de leur droits et libertés, et cela malgré une répression terrible. Aujourd’hui, il est urgent de garantir le respect de ces demandes légitimes et de mettre un terme aux violations et entraves qui ont caractérisé le régime précédent », a déclaré Drissa Traoré, secrétaire-général de la FIDH.
Nos organisations s’inquiètent également des sérieuses conséquences que pourrait avoir une instabilité politique sur les populations, le tissu socio-culturel et la situation des droits humains étant déjà extrêmement fragiles sur l’ensemble du territoire tchadien, de la sous-région et dans la bande du Sahel.
Nos organisations interpellent la communauté internationale, particulièrement les partenaires privilégiés du Tchad que sont la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE) et la France à appuyer le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la mise en place d’un dialogue politique inclusif dans les plus brefs délais, afin de favoriser une transition démocratique effective et pacifique.
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Alors que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’est réuni le 22 avril pour examiner la situation au Tchad, et que la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) tient actuellement sa 68ème session ordinaire, il est urgent que l’UA prenne position en condamnant fermement ce coup d’État et en exigeant le respect des principes démocratiques et des droits humains pendant la période de transition qui s’ouvre. Particulièrement, l’Union africaine doit tout mettre en œuvre pour permettre une solution rapide et apaisée de la crise politique et sécuritaire en cours, et garantir la sécurité des populations civiles. Le cas échéant, l’UA doit pouvoir déclencher les mécanismes de suspension et de sanction, tels que prévus par ses textes et notamment par la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
La France, quant à elle, entretient depuis de nombreuses années une relation privilégiée avec le Tchad et les deux pays ont développé une coopération multi-dimensionnelle forte. Le gouvernement français doit prendre toute la mesure des récents événements qui secouent le pays et qui pourraient entraîner une instabilité durable en Afrique centrale et au Sahel. Toute action des autorités françaises doit être guidée par l’impérieuse nécessité de préserver la cohésion sociale et nationale des populations tchadiennes, et de soutenir les acteurs politiques et les forces vives du pays pour qu’ils s’engagent dans un processus de démocratisation effectif, crédible et pérenne.
« Nous appelons l’Union africaine et les autorités françaises à tout mettre en œuvre pour permettre le retour à l’ordre constitutionnel, à agir en faveur d’une transition menée par un gouvernement civil dans les plus brefs délais et à appuyer la mise en place d’une concertation nationale inclusive associant les autorités, les acteurs et actrices politiques et de la société civile tchadienne. Nous réitérons notre appel concernant l’absolue nécessité de mettre au cœur de leur préoccupations le respect des droits humains, des libertés fondamentales et du bien-être des populations », a déclaré Maxvelt Loalngar, Président de la LTDH.
FIDH – Fédération internationale pour les droits humains
Ligue tchadienne des droits de l’Homme – LTDH
Ligue des droits de l’Homme (LDH)