La controverse autour des règles KYC dans un monde qui veut plus d’anonymat

La controverse autour des règles KYC dans un monde qui veut plus d’anonymat

Dans les salles de conférence d’Abidjan à Yaoundé les autorités de régulation plaident pour des procédures KYC toujours plus strictes tandis que des millions d’utilisateurs réclament des transactions anonymes surtout dans l’univers crypto.

La tension a franchi un cap en mai 2024 quand le Conseil de l’Union européenne a adopté le paquet Anti Money Laundering Regulation AMLR qui étend les obligations de diligence renforcée à tout le secteur des cryptoactifs et fixe un plafond de 10 000 euros pour les paiements en espèces. Le règlement entrera pleinement en vigueur en 2027 mais il inspire déjà les législations africaines.

KYC vs anonymat le point d’ébullition en 2025

Depuis février 2025 le GAFI publie trois fois par an des listes grise et noire qui poussent les pays où la lutte AML CFT est jugée faible à renforcer les contrôles d’identité numérique. Les défenseurs de la confidentialité rappellent que l’anonymat principe originel du Bitcoin reste vital dans des régions aux institutions fragiles.

La preuve se trouve dans les crypto casinos — des plateformes agréées dans des paradis réglementaires comme Curaçao ou Anjouan — qui permettent des paris instantanés via des stablecoins, sans vérification documentaire. Rien qu’en 2024, ces sites ont généré 81,4 milliards de dollars de revenus bruts de jeu, soit cinq fois plus qu’en 2022. Cet engouement explique la multiplication des guides pour choisir un casino sans kyc sûr, capable d’offrir une expérience captivante sans compromettre l’anonymat des utilisateurs.

En mars 2025 la BCEAO a publié l’Instruction 003 03 2025 imposant à banques fintechs et émetteurs de monnaie électronique la capture biométrique ou la validation distante de documents avant l’activation de nouveaux portefeuilles digitaux. La mesure s’aligne sur les directives du GIABA qui considérait déjà l’usage limité de l’e KYC comme un risque systémique dans l’espace UEMOA.

Au Cameroun le ministère des Finances a fixé août 2025 comme date limite pour que les fintechs obtiennent une licence complète de paiement ou interrompent leurs opérations une initiative baptisée par la presse locale « digital compliance crackdown ». La rigueur coexiste pourtant avec des failles d’identité.

Une étude du cabinet CTMS a montré que 15 % des pièces d’identité vérifiées dans le pays présentaient des signes de falsification avec un taux encore plus élevé dans les zones frontalières. Un rapport de la startup Smile ID a également signalé une hausse de la fraude biométrique alimentée par l’IA dans toute l’Afrique de l’Ouest avec des pics au premier trimestre 2025.

ZK‑KYC et identités sélectives: Où la technologie intervient

Des projets africains testent des Zero‑Knowledge Proofs capables de confirmer majorité et résidence sans exposer pièce d’identité ou passeport. L’utilisateur signe un hash attestant sa singularité sans dévoiler ses données. Si la méthode prend de l’ampleur elle pourrait satisfaire les régulateurs tout en préservant la vie privée en créant un « compromis » entre KYC total et anonymat.

La réponse la plus prometteuse au dilemme « identifie‑toi ou reste dehors » vient de la cryptographie des ZK‑Proofs. Au lieu d’envoyer la photo d’un passeport l’utilisateur signe un hash prouvant qu’il respecte un critère majorité « non inscrit sur une liste de sanctions » résidence dans tel pays sans révéler l’information elle‑même.

Dans l’écosystème africain la pionnière est Ejara un portefeuille non‑custodial fondé à Douala et utilisé dans huit pays de la zone CFA. En avril 2025 l’entreprise a annoncé un pilote de « ZK‑KYC modulaire » pour valider l’âge légal de jeu sans collecter de documents après trois fuites de données chez des prestataires de vérification tiers.

Des exchanges régionaux qui appliquent déjà un KYC classique rapportent des gains d’efficacité en testant ce modèle. De leur côté des critiques internationales soulignent encore des failles affirmant que le ZK‑KYC ne résout pas le gel des fonds en pleine enquête.

Inclusion numérique avec traçabilité minimale

L’Afrique concentre les trois quarts des comptes mondiaux de mobile money avec plus de 357 milliards USD déplacés en 2024 selon le rapport GSMA 2025. Le Sénégal en est l’illustration : le Digital in Senegal 2025 recense 22,7 millions de connexions mobiles ce qui explique l’essor de portefeuilles USSD sans smartphone.

C’est aussi pour cela que le gouvernement a introduit une biométrie légère voice ID dans les flux d’onboarding de la fintech Wave réduisant de 56 % les documents papier depuis 2023. Au Bénin le ministère de la Digitalisation consacre 56,8 % du budget 2025 à des projets d’identité numérique dont des pilotes de biométrie vocale en fon et yorùbá pour l’onboarding rural.

La GSMA indique que la pénétration du mobile money a doublé entre 2013 et 2023. Au Cameroun le ministère des Finances a laissé 90 jours à toutes les fintechs pour obtenir une licence ou cesser leurs activités une mesure qualifiée par la presse locale d’ultimatum fintech.

Ce panorama montre que si les régulateurs recherchent la traçabilité ils savent aussi qu’un excès de KYC peut exclure des consommateurs. Les Lignes directrices révisées LBC FT et finance inclusive du GAFI recommandent une proportionnalité du risque pour ne pas bloquer l’innovation.

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